Maison de Acar et de Melian

Melian sourit et prit l'hanap des mains d'Acar avant de le poser à côté de lui en prenant garde de ne pas renverser d'eau.

Eh bien s'il réagit en effet de la sorte, au moins nous ne nous ennuierons pas! Elle marqua un léger temps de réflexion puis se mit à rire. Il me semble cependant que depuis l'heureux jour de nostre rencontre nous n'avons guère connu de monotonie. Le tout est de continuer ainsi...

Elle vint alors se blottir une fois encore tout contre lui. Mais la fatigue commençait à se faire sérieusement sentir, aussi après un instant se leva-t-elle à contre-coeur pour aller ouvrir grand la fenêtre et faire rentrer un peu d'air afin de se réveiller. Se tournant vers son amour, elle lui sourit.

Nous devrions manger un peu, la journée va être longue. Outre cette promenade dont tu parlais, si tu souhaites toujours y aller, beaucoup de choses restent à faire si nous voulons que tout soit prêt le moment venu. Entre autres nécessités d'ailleurs ajouta-t-elle avec un léger soupir, pensant au travail nécessaire pour gagner leur subsistance.

Elle regarda alors rêveusement par la fenêtre, se perdant un peu en pensées concernant ses travaux de couture, tant sa robe de baptême à achever que l'autre qu'il lui fallait réaliser en vue du grand jour à venir. Même si aucune date n'était encore fixée, la commencer au plus tôt lui apparu être le mieux afin de se confectionner un vêtement à la hauteur de l'évènement, et surtout qui fasse honneur à leur amour qui sera célébré aux yeux à la fois du Très Haut, d'Aristote et des hommes ce jour-là.

Dis-moi, que comptes-tu faire aujourd'hui? demanda-t-elle à Acar, accoudée à la fenêtre, tentant autant que possible de se réveiller et de rassembler ses idées afin d'organiser au mieux la journée.

Aujourdhui, te contempler me suffirait mais je pense qu'aller marcher, entourés par le mystère de la nature nous feraient grand bien.

Le soleil pointait dejà, illuminant Melian, le divin savait créer belle chose, les plus belles étaient celles qui ne le savaient point et Acar bénéficiait d'une d'entre-elle.

Melian rougit un peu et eut un sourire gêné. Une journée à ne faire que me regarder? Quelle idée...se dit-elle.

Puis elle se reprit, s'étira un peu et se tournant vers lui, lui sourit.

Si nous nous restaurions un peu avant de partir? Qu'est-ce que tu voudrais manger? Il reste sûrement du ragoût mais je ne suis pas sûre que cela soit l'idéal pour attaquer la journée...

Elle entreprit alors de fouiller deci delà voir ce qu'elle pourrait bien trouver et finit par mettre la main sur une miche de pain. Il doit bien y avoir quelque chose qui puisse aller avec se dit-elle, continuant ses recherches...
Elle se retourna alors vers Acar.

Si Messire voulait bien m'apporter un peu d'aide dans les présentes recherches, cela serait fort apprécié. D'autant que vous connaissez encore cette demeure et son contenu mieux que moi très cher... lui dit-elle avec un sourire.

Qui ne recherche pas, ne trouve pas, répondit illico Acar, offrant à sa dame un sourire peu courant ces temps-ci.

Songeant que Melian le faisait sourire,il se dit que la vie reprenait sa place, comme le vent après avoir semé tempête, l'amour était venu et maintenant les sourires, la joie était bien au coeur.

Allant derechef vers le coffre servant de banc, il souleva prestement le dessus pour en extirper jambon appétissant.

Voila ma mie, ne cherchez plus, vous avez trouvée, repas se fera avec celui-ci, cochon qui m'a coûté bien cher, je vous l'avoue, mais il est de circonstance, son goût est surprenant, mille odeurs s'en dégagent.

Diantre qu'elle était belle avec ses différences, comme elle aimait à le dire, en fronçant les sourcils, l'on pouvait percevoir son aura blanche, rare était cela, il se mit à méditer, oubliant un temps, la réalité.
Le souffle tiède sur son épaule le ramena céans vers le présent, non il ne rêvait pas, elle était là, telle une statue antique, à la différence que son coeur battait, pour lui.

Melian fut heureuse de le voir sourire. Il est si préoccupé en ce moment se dit-elle. Si seulement je pouvais faire quelque chose...

Le voyant sortir le jambon du coffre, elle baissa la tête avec un sourire de coin, se retenant d'éclater de rire. En tant normal, une pièce pareille ne t'aurait jamais échappée ma fille. Tu as vraiment la tête ailleurs... pensa-t-elle.
Elle releva la tête et vit Acar songeur. Elle s'approcha alors de lui et lui murmura à l'oreille

Tu rêves mon amour?

Elle lui déposa alors un baiser sur la joue avant de partir chercher un couteau pour s'attaquer à ce jambon. Une fois trouvé, elle le prit par la lame, en tendant le manche à Acar.

Je crois qu'il vaut mieux que ça soit toi qui le fasse, parce qu'adroite et forte comme je suis...

Oui je rêve ma douce, mais ce rêve est réalité, par contre, ce jambon, bientôt ne sera plus que souvenir.

Le prenant, il coupa fil à chaque coup de tranchoir, les odeurs s'ouvraient, emmenées par le vent d'aoust.

Après s'être repues, ils décidèrent en commun de partir sur la route du Levant, le soleil faisait chanter les cigales, l'herbe commençait quelque peu à jaunir, la piste dégageait sa poussière, mais les deux ètres avaient le baume au coeur, tout était pour eux lumière et beauté.

Ainsi, confortablement installée, Melian dormit paisiblement et put récupérer les forces que les nuits blanches et la promenade avaient bien entamées.

Puis lorsque le jour se fit, elle se réveilla et vit Acar qui la regardait. Elle se frotta les yeux encore toute ensommeillée, puis le regarda, se serra plus fort contre lui et lui sourit.

Bonjour mon amour! Tu as fait de beaux rêves?

Pardieu, oui, tu étais présente, nul doute en la question, donc ce rêve fut des meilleurs, mais le contenu m'a échappé, cela est normal en soi, rêve se dissipe au réveil, dommage...

Oui, dommage...

Le sourire aux lèvres, elle s'intalla contre Acar de sorte à avoir une oreille posée à l'emplacement du coeur de son aimé et ferma les yeux, restant ainsi, silencieuse, pendant un moment. Puis elle se redressa à demi et se tourna face à lui.

Je connais à présent la cadence de tes pas, ceux-là même qui me font savoir avant de te voir si tu es en joie ou en peine, si tu es las ou si le jour écoulé t'a malgré tout laissé quelque force. A présent je souhaite connaître aussi cette musique-là dit-elle en posant sa main sur le coeur d'Acar. Cette musique et toutes ses variations sans exception. Cette musique qui n'est rien d'autre que le reflet de l'homme que tu es et que j'aime tellement...

Cette musique, ma mie, bat au rythme de vostre amour, vous êtes celle qui donne harmonie à mon coeur, au plus profond de lui, assurément.

Musique résonne, musique chantonne, mon coeur est de mise avec cette mélodie, dont le musicien est vous-même mon coeur, je vous le dis, vous êtes musique à vous seule, mon coeur ne fait que battre pour celle-ci.

Melian rougit un peu et se serra de toutes ses forces contre Acar en fermant les yeux. Ne sachant que dire, elle resta ainsi blottie contre son amour.
Elle se savait en peine lorsqu'il était question de dire ce qu'elle ressent. Elle espérait que cela ne soit pas pesant pour son aimé, et s'évertuait à lui faire montre de son amour en prenant soin de lui autant que possible et en étant toujours là, qu'il sache qu'il aurait toujours quelqu'un sur qui compter quoi qu'il arrive.
Se sentant somnoler, elle voulut se lever mais elle était si bien ainsi installée qu'elle y renonça vite. Elle se frotta les yeux une nouvelle fois espérant que cela la réveillerait un peu, mais la fatigue accumulée ne s'était décidément pas encore dissipée autant qu'elle l'aurait souhaité.

Nous devrions nous lever mon amour non? Nous avons encore bien des choses à faire dit-elle en levant les yeux vers Acar, pensant aux préparatifs du mariage dont sa robe notament qu'il lui fallait absolument terminer.

Nous lever, parbleu, oublie cela, tu as une mine de déterrée, reste donc dans la couche ma mie, je vais aller te préparer un remontant à base d'herbes que, m'avez laissé Sieur Lofox, elles doivent se trouver dans le coffre de chêne, en son fond.

Acar se leva, sa belle le retint, il en sourit puis l'embrassa.

Le coffre ouvert, il prit herbe et vit la petite boite ciselée qu'il avait ramené d'un de ses voyages, contenant bague pour sa belle, pour l'heure, il la posa au plus profond du grand coffre, elle resterait encore ici quelques temps, mais l'envie de lui donner lui brûlait les doigts, il lâcha donc coffret puis partit faire décoction.

Avant même d'avoir pu émettre une quelconque protestation, elle le vit se lever. Et tentant de le retenir, elle se vit gratifiée d'un sourire et d'un doux baiser. Résignée, elle s'installa donc dans la couche pendant que Acar cherchait de quoi préparer ledit remontant avant de s'employer à le concocter.
Les yeux mi-clos, elle réflechissait attendant que son amour lui apporte le breuvage, s'efforçant ainsi de lutter contre le sommeil qui l'envahissait de plus en plus.

Je ne puis rester là, il me reste encore bien des choses à terminer! Sinon rien ne sera jamais prêt à temps! finit-elle par dire d'un ton qui laissait transparaître une légère angoisse qu'elle aurait préférée moins perceptible.

Acar était maussade, il venait de recevoir pli l'informant que la guerre empêcherait la reconnaissance officielle de son Ordre, pli émanant de la curie ; cela le rendit aigre envers cette décision...reculer encore puis encore ce qui devrait être, soit...puis donner et toujours donner, sans rien escompter en retour, voila ce que fut le cours de ses obligations de grand maistre...la lassitude le prit, presque une année.

Préparant potion, il se remémora ses combats, ses ennemis de toujours, ou l''antre des miracles les accueillaient chaque jour...les herbes séchées s'écrasaient sans broncher dans le creux de sa main... il repensa à ses amis, tués à la guerre ou morts de tristesse, morts d'avoir défendu une cause, jusqu'au bout, Acar était las, tous morts pour avoir cru, espérer, puis pour finir tromper, trahi.

Les morts soit par sa main, sois par le choix d'Aristote, faisaient la ronde devant lui, lui tendant les mains, l'appelant pour les rejoindrent, lui souriant pleinement...il secoua la nuque et se mit à sourire, qu'ils dansent pensa t'il, rien ne m'arrêtera, surtout pas des morts.

Finement rompues, les herbes aux grandes senteurs et effets furent jetées vivement dans l'eau encore crépitante, les visages passaient et repassaient, sans être là, il les voyaient, tous et toutes, amis et ennemies, tous se battant pour une cause ou il fallait donner sans compter, les autres ne comptaient pas, mourir pour une cause, voila ce qu'était un héros, voila ce qu'était l"enfer.

Filtrant l'eau brunissante de part un torchon de Bayeux, le hanap se remplit, sa pensée était aussi pleine, la goutte suffirait-elle ?

Le hanap devenu chaud, il le tendit à sa promise : Voici mon coeur, bois en une fois.

je suis bien aise de t'avoir à mes cotés, vois-tu, me confier, avant, je ne le faisais, la raison était le secret, car ma vie est secrète, mes responsabilités sont secrètes, toi seule est donc bien présente, réelle, ce qui me donne un peu aspect humain, te parler encore et encore m'emplit de joie, te regarder me remplit de bonheur, te sentir me remplit le coeur.

Cela est chaud, mais après l'effet sera là, apaisant, apportant paix et bonheur, apportant satisfaction, en vérité je te le dis, je t'aime.

S'écoutant, Acar se tourna, point de rêve, réalité, il l'aimait du fond de son ame, tout laisser pour elle, ainsi était le chemin, celle qui s'inquiétait constamment de ne point le satisfaire était son destin, telle évidence aurait donnée vue à un aveugle.

Melian prit le hanap et en bu le contenu d'un trait. Mais le geste tenait du mécanisme, son souci était ailleurs. Des traits et du regard d'Acar émanaient tristesse et amertume et c'était là sa seule préoccupation. Ce pli qu'il venait de recevoir devait contenir une bien mauvaise nouvelle pour qu'il soit dans cet état, mais ledit contenu était secondaire pour l'instant.

Elle ne posa donc aucune question, cherchant vainement les mots qui pourraient l'apaiser quelque peu. Mais qu'aurait-elle pu dire qu'il ne sache déjà? Il savait qu'elle serait toujours là pour lui quoi qu'il arrive pour le réconforter, le soutenir, l'écouter et le conseiller autant qu'elle le peut. Elle le lui avait répété bien des fois et s'était évertuée à en faire montre à plusieurs reprises déjà, de même qu'il l'avait fait pour elle.

Elle posa le hanap vide à côté de la couche et prit la main de son aimé dans les siennes avant d'y déposer un baiser. Elle leva alors les yeux vers lui et lui sourit.

Je t'aime aussi.

Mon aimée, voici pli m'annonçant départ, départ commandé par les hautes autorités de la curie, nous allons donc connaître la ville d'Arles...cependant, ils nous restent donc à prévoir provisions en suffisance et fermer la maison.

Voici voyage de noces avant celles-ci, bon présage que voila, les hospices nous sont donc favorables, pensons à passer à l'église avant nostre départ.

Acar virevolta autour de sa promise, souriant à sa vie qui commençait.

Melian sourit, l'air amusé.

Bien évidemment nous y passerons, mais calme-toi donc ne serait-ce que le temps de préparer le nécessaire dit-elle en riant.

Elle s'employa ainsi à préparer son baluchon et à rassembler des provisions pour le voyage.

Le grand jour était enfin arrivé et Melian était à la fois plus heureuse et plus nerveuse que jamais... Si l'idée de devenir l'épouse d'Acar la comblait de bonheur, la solenité de la cérémonie l'angoissait. Elle coiffait pensivement ses cheveux, tâchant de savoir si tout était prêt et que rien n'avait été oublié en se faisant mentalement une liste de tout ce qui avait d'ors et déjà été fait.

Dame Ladycharmed avait magnifiquement décoré l'église et lui avait même fait un bouquet qu'elle était allée récupérer furtivement ce matin, espérant que personne ne lui en voudrait de ne pas s'être attardée, ne se sentant pas capable de tenir discussions. Pour ce qui est du reste, son amour avait tout pris en charge une fois de plus, lui laissant le temps de se préparer pour l'évènement. Tout semblait donc en ordre...

Elle jeta alors un coup d'oeil pour la énième fois à sa robe. Elle l'avait terminée il y a quelques jours, et espérait qu'elle plairait au seul homme dont elle aimait les regards. Elle l'avait faite simple, avec des manches s'évasant en corrole depuis les coudes, et avait opté pour le blanc qui lui avait semblé être le plus adapté. Elle rajusta la ceinture blanche elle aussi et brodée de fils aux reflets d'argent qui lui ceignait la taille.

Puis elle reçu missive l'informant que la cérémonie aurait du retard. Elle s'assit sur une chaise, poussant un soupir.

Pourquoi rien ne nous est donc simple? Mais peut-être est-ce trop demander... murmura-t-elle, la tête basse. Enfin, du moment que Son Eminence arrive sans encombres...

Relevant la tête, ses regards se perdirent dans les dernières lueurs du jour que laissaient voir les carreaux.
Pensant alors à son aimé, elle reprit d'une voix sourde qui se perdit dans la maison vide.

Autant ton existence que la mienne n'auront pas été de longs fleuves tranquilles. Même célébrer nostre amour n'est pas chose simple quand ledit amour l'est tellement, lui...

Un sourire se dessina alors sur ses lèvres.

Mais quoi que nous ayons traversé, cela ne nous a pas arrêté. Hors de question que cela commence aujourd'hui... Les invités aurant le temps d'arriver au moins!

Any était passé à l'église et Acar lui avait expliquée que Melian était seule pour se préparer. Ne voulant la laisser seule dans un moment aussi important, Any se rendit rapidement à leur domicile et frappa à la porte. Melian fit entrebailler la porte puis reconnaissant la jeune femme lui ouvrit et la laissa entrer.
Elle semblait nerveuse. Elle se rappelait alors les heures de préparations avant la céramonie de son propre mariage.

Alors.... tout se passe bien.... ?

Any souriait à tout va. La futur mariée ne cessait de s'observer dans le miroire et Any souriait en la regardant.

Cesse donc un instant...
tu est parfaite
assied toi que je regarde un peu tes cheveux...

Elle prit de quoi déméler la cheuvelure de la jeune femme bien que celle ci l'ai déjà fait et la laissa s'installer.
En douceur elle passa le peigne dans les cheuveux de Melian.
La jeune femme resplendissait. A coté d'elle Any semblait bien terne dans son uniforme

Ouvrant la porte et découvrant Any, elle la fit entrer, avec un sourire un peu crispé.

Merci d'être venue! Et d'être mon témoin aussi!

Elle s'installa docilement, laissant Any s'occuper de ses cheveux.

Excuse-moi je suis trop nerveuse... dit-elle avec un sourire désolé.

Nouvelle missive arrivé pour annoncer le mariage à 22h15.

Nous devrions nous mettre en route.

Elle se leva, prit son bouquet et laissa Any passer devant avant de fermer la porte et de se diriger vers l'église.

Trois semaines s'étaient écoulées depuis le mariage et le départ de Thiers pour une mission qui emmena Acar et son épouse Melian de Arles à Lyon.

Arrivé finalement, il se jetta sur la couche, les affaires posées contre un mur... elles attendraient bien le jour.

Orsan était lui aussi en repos, bien mérité avec toutes ces lieux dans les sabots, d'aileurs, il passerait dès demain à la citadelle pour voir le maréchal-ferrant.

Ma mie, te voici en ta demeure, comme si nous n'étions point partis, quelle sensation étrange, ne trouves-tu pas ?