Maison de Acar et de Melian

A peine la porte s'ouvrit-elle que Melian se retrouva dans les bras de son amour. Elle se blottit alors contre lui avec un sourire.
L'avenir s'annonce sous les meilleures auspices pensa-t-elle. Il ne me reste plus qu'à me montrer digne de lui et à le rendre heureux...
Puis elle poussa un peu Acar pour qu'ils s'écartent de l'embrasure de la porte afin de pouvoir la refermer.

Porte refermée, Acar fit faire découverte des lieux, modeste était la maison, mais sûr était son amour.

Il prit le baluchon, sourit à son poids puis le déposa au pied d'un large coffre.
Revenant, il prit pot de terre et servit son eau fraîche dans les hanaps, la chaleur montait terriblement.

Tenez mon aimée, desalterez-vous, ce vent sec irrite bien des gorges.

Melian se laissa guider. Elle apprit ainsi un peu à connaître son nouveau logis tout en se disant qu'elle aurait bien le temps de se familiariser avec la maison.
Ceci fait, elle regarda Acar sourire lorsqu'il prit son baluchon, se demandant ce qu'il pouvait bien y trouver.
Puis elle prit le hanap qu'il lui tendit et le remercia. Elle but alors une gorgée d'eau fraîche et promena son regard alentour.
A croire que la curiosité sera toujours la plus forte se dit-elle.

Observant sa promise, il la vit fureter, l'oeil vif et clair, l'ètre bien solitaire devait prendre mesure de son nouvel état.

Son regard se tourna sur lui...pureté et sensibilité se mêlaient par l'entremise de ses sentiments à son encontre... il vibra bien plus qu'en combat...étrange sensation que voilà.

Douce dame, le temps passant, je vous propose de vous reposer, mon lit vous attend, je resterai ici, veillant sur vous.

Melian avait préparé le repas. Ce soir, ragoût de boeuf aux petits légumes.

Pourvu qu'il lui plaise... se dit-elle.

Acar n'avait pas encore goûté cette recette et comme toujours elle avait fait de son mieux pour que le repas soit le plus réussi possible. Mais elle craignait toujours que cela ne soit pas à son goût...
Une fois le ragoût prêt, elle laissa juste ce qu'il faut de bois dans la cheminée pour avoir un feu suffisant pour le tenir au chaud jusqu'au retour du maistre des lieux sans pour autant que ledit ragoût soit trop cuit.

Elle se servit alors, sachant bien qu'Acar rentrerait encore fort tard ce soir tant il avait de travail. Peut être encore une fois serait-elle endormie à son retour et toujours au pays des songes lorsqu'il repartirait au matin. Mais sachant que cette situation lui pèse autant qu'à elle, elle avait pris la décision de ne rien dire. Elle faisait simplement tout ce qu'elle pouvait pour que son amour puisse trouver du calme, un peu de repos et tout ce dont il avait besoin en rentrant à la maison. Et comme toujours, elle l'attendrait aussi longtemps que ses forces lui permettraient de rester éveillée.

Une fois son repas terminé, elle lava, sécha et rangea le peu de vaisselle dont elle s'était servi. Celle nécessaire au repas de son aimé attendait sur la table, de manière à ce qu'il n'ait plus qu'à se servir à son retour, des fois qu'il n'ait pas eu le temps de manger ou qu'il ait encore faim.

Elle alla s'installer dans un coin de la maison dont elle avait entrouvert une fenêtre pour que le feu aussi faible soit-il ne transforme pas la demeure en étuve. Alors qu'elle allait se remettre aux finitions de sa robe de baptême, elle aperçu son baluchon qu'elle n'avait pas encore rangé. Il contenait si peu de choses qu'elle n'avait fait jusqu'alors que prendre ce qu'il lui fallait dedans une ou deux fois au plus depuis son emménagement. Elle s'en approcha alors et l'attrapa. Puis elle retourna s'asseoir dans un coin et prit une petite boîte dans le baluchon qu'elle posa à côté d'elle.

Elle regarda un moment la boîte qu'elle avait mise sur ses genoux, et effleura le couvercle de bois brut avant de l'ouvrir. Cette petite chose si insignifiante contenait tout ce qu'il restait de son passé. Elle se dit subitement qu'Acar ne devait même pas en connaître l'existence, pas plus qu'il n'en savait sur son passé. Il n'avait jamais posé de questions, devinant sûrement que le sujet est douloureux. Elle l'ouvrit alors et se replongea dans ses souvenirs...

Melian referma la boîte en voyant Acar rentrer et la posa dans un coin.
Elle sourit de le voir manger de bon coeur, mais s'évertua à ne rien laisser paraître de son inquiétude; il semblait si fatigué et elle n'aimait pas le voir dans cet état...

Elle écouta ses explications avec attention en lavant et rangeant la vaisselle.
Puis reposant les yeux sur sa boîte, elle la prit pour la ranger. Elle avait vu qu'elle semblait intriguer son amour.

C'est ma petite boîte à souvenirs dit-elle en souriant. Je te raconterai si tu veux. Mais tu devrais aller te reposer un peu ajouta-t-elle en s'approchant de lui.
Elle se blottit alors tout contre lui un instant et l'embrassa tendrement, puis s'écarta de lui pour le laisser aller se reposer.

Mon coeur, restez près de moi...me détendre, je le fais dans vos bras, vostre chaleur m'apaise, vostre souffle me fait frissonner et vostre voix me passionne.

Écoutant sa dame parler alors de sa petite boîte, Acar lui signifia qu'il ne compterait point l'ouvrir, que cette-ci doit se reposer d'abord, avant de vider son contenu.

Pour l'heure, ma mie, restez près de moi et palabrons.

Melian sourit et retourna se blottir contre Acar.

Tu peux ouvrir la boîte si tu veux, je n'ai rien à cacher. Cela dit, son contenu ne sera pour toi qu'un petit assemblage hétéroclite et totalement dépourvu de sens d'objets divers dit-elle en riant. Mais si tu le souhaites je te raconterai leur histoire.
Ceci étant dit, y a-t-il quelque chose dont tu voudrais que nous parlions en particulier?

la fatigue aidant, Acar s'assoupit quelque peu, mais la douce voix le tint éveillé, il lui dit alors : oui, parle-moi donc de tes objets, ainsi, je pourrai mieux comprendre leurs raisons d'être, mais ne te force pas, nous avons bien le temps.

Melian s'écarta un peu d'Acar afin de pouvoir le regarder en face.

Je ne me force en rien, au contraire je suis heureuse de partager mes souvenirs avec toi! Cependant, tu es sûr de ne pas vouloir te reposer d'abord? Pardonnes-moi mais tu as l'air si fatigué lui dit-elle, l'air inquiet, lui effleurant la joue du bout des doigts.

Soit, nous parlerons donc demain, pour l'heure, il est vrai que j'ai besoin de repos.
Acar se dirigea alors vers la couche, s'affala et sombra illico dans les méandres.

Sortant du sommeil, le crépitement du feu lui fit apparaître la silhouette de sa dame, recroquevillé sur elle même, cela ne le laissa point indifférent et doucement se leva pour la rejoindre, sans la brusquer.

Après l'avoir enlacé, il trouva la chaleur de Melian fort apaisante, douce comme un vent d'été passant sur le corps.

Pourtant, il s'inquiétait, sentant bien que sa douce avait en elle grande souffrance, rester seule devant ce feu en était réponse.
Il lui caressa les cheveux, longs, brun, sa main se posa sur la nuque, blanche comme laine après pâturage, frissonnant sous ses doigts.
Oui, il s'inquiétait, sa belle avait connue tristesse et il ne souhaitait que l'aider à oublier, à se reconstruire.

Ayant quitté son poste de Grand Maistre, il savait qu'il aurait plus de temps à consacrer à son aimée, celà faciliterait leurs vies communes, bonne chose que voila...sa belle s'endormait sous ses doigts, il se laissa emporter lui aussi par le silence et la quiétude du petit matin.
Avant qu'esprit vagabonde,il serrât fort sa dame, Aristote lui avait donné son plus beau cadeau, l'amour...il le remercierait dès demain matin.

Melian était à ce point plongée dans ses pensées qu'elle n'avait pas entendu Acar se lever. Elle ne s'en aperçut que lorsqu'elle sentit les bras de son amour l'entourer, ce qui l'aurait sûrement faite sursauter si elle n'avait pas été si fatiguée par cette nuit blanche.
Comme quoi la fatigue a du bon parfois se dit-elle. Il n'aurait plus manqué qu'il pense qu'il me fait peur...

Elle sentit ses doigts dans ses cheveux puis frémit lorsqu'elle sentit sa main sur sa nuque. Elle ferma les yeux et sentit le sommeil la gagner un peu. Elle était si bien dans ses bras, elle s'y sentait à l'abri. Comme si elle se trouvait loin de tout le mal qu'elle avait vu, loin de tout le mal qu'on lui avait fait.

Puis il la serra plus fort contre lui et elle sentit monter une boule dans sa gorge ainsi que les larmes lui venir aux yeux. Elle refusait de lui imposer sa souffrance et s'était promis qu'il ne verrait jamais que ses larmes de bonheur. Il lui apportait tant chaque jour qu'il lui semblait impensable de lui imposer le poids de son passé. Il le connaîtrait car elle ne souhaitait rien lui cacher, mais elle ferait tout pour qu'il ne voit pas la souffrance qui lui rongeait l'âme et encore parfois le corps. Il lui parut évident que son aimé avait perçu sa détresse, mais elle préférait qu'il n'en saisisse pas l'ampleur.

Elle ferma les yeux plus fort pour que les larmes ne viennent pas et respira légèrement plus fort pour tenter de se calmer un peu.
Puis au bout d'un moment, ayant repris ses esprits, elle se retourna vers Acar et lui sourit.

Tu as bien dormi mon amour? Je ne t'ai pas réveillé au moins? Tu devrais manger un peu, il va bientôt te falloir repartir non? Il ne faut surtout pas que tu t'en ailles le ventre vide!

Oui j'ai bien dormi, mais je pense que ce ne fut point ton cas, venant contre toi, tu étais si préoccupée de par l'esprit que j'ai ressenti crispation de ta personne.

Mais sachant cela, je ne te demanderai pas le pourquoi, un jour viendra ou cela se sera plus qu’ombre sur ta personne, sache cependant que je suis la, rien que pour toi mon tendre amour.

Nous avons le temps, nul doute, la vie est devant nous... pour l'heure, reste contre moi, ne bouge plus, ne pense plus, aime moi.

Melian se serra de toutes ses forces contre Acar pendant quelques minutes puis desserra un peu l'étreinte.

Je sais que tu ne demanderas pas mais tu as le droit de savoir je pense. Ma vie n'a pas été des plus... comment dire... Elle réfléchit un moment, ne trouvant pas de mots pour qualifier son passé.Ma mère est morte en me mettant au monde, et mon père pensait que c'était ma faute. Mais je ne sais pas vraiment pourquoi il m'a laissée vivre malgré cela et m'a gardée auprès de lui... Puis il y a eu l'accident et là... Là tout à changé.

Elle marqua un temps d'arrêt, mais c'était plus de la réflexion que de la peine.

Il a toujours été irritable et distant avec moi, mais à la suite de sa blessure, c'est devenu atroce. Mais je crois qu'à sa peine d'avoir perdu ma mère s'est ajouté un sentiment d'inutilité puisqu'il ne pouvait plus travailler. Et chaque fois qu'il se mettait en colère, pour des broutilles le plus souvent, il... il pouvait devenir très mauvais voire cruel...

Prononçant ces derniers mots, son regard devint vide pendant un bref instant puis elle se reprit et sourit.

En résumé, je n'ai jamais été heureuse qu'avec toi, aussi merci infiniment!

Ainsi, malheur et souffrance sa douce avait connue, ce siècle donnait le mal à profusion, emportant bonheur et paix.

La tristesse de ses yeux ne trompait pas, la douleur était encore en elle,assurément.

Oui, il faudrait bien du temps pour qu'elle sorte de sa personne, mais rien ne fut impossible à ceux qui le désiraient.

Ma mie, embrasse-moi, je te promets d'apaiser chaque jour le feu de ta souffrance, un jour viendra ou celui-ci disparaîtra.

Melian, pour lui, était l'incarnation du bien, il la regarda grandement, tellement elle irradiait pureté.

Melian sourit et embrassa tendrement Acar. Puis elle se leva.

Quitte à parler du passé...

Elle alla chercher la petite boîte, puis retourna s'asseoir aux côtés de son aimé. Elle posa la boîte par terre, l'ouvrit et en sortit son contenu: un carré de tissu brodé, une vieille plume qui avait beaucoup servit, quelques petits morceaux de parchemins couverts de gribouillis divers reliés par un morceau de ruban et un petit cheval sculpté dans un morceau de bois noircit par endroits.

Ce tissu a été brodé par ma mère pendant qu'elle me portait en elle. Il n'a pas une grande histoire, mais c'est tout ce qui me reste d'elle. Mon père m'a dit un jour qu'elle avait tenu à ce que je porte ce prénom, mais je ne sais pas pourquoi. Il devait lui plaire sûrement...

Elle regarda alors la plume et eut un sourire.

C'est avec ça que j'ai appris à écrire... Enfin si on peut appeler ça écrire dit-elle avec une légère grimace en prenant les morceaux de parchemins. Heureusement que je suis un peu plus lisible maintenant ajouta-t-elle en riant. Lorsque mon père s'est blessé, un moine fort érudit de ses amis vint nous rendre visite. Un soir, alors que mon père s'était endormi, il s'était assis à la table et rédigeait un parchemin. Et tout en finissant les tâches ménagères, je n'ai pas pu m'empêcher d'essayer de voir ce qu'il faisait. Il s'en est rendu compte et m'a faite asseoir près de lui. Puis il m'a montré d'abord les lettres, puis les mots, un peu chaque soir durant la convalescence de mon père. Comment les écrire et les lire, enfin juste suffisamment pour pouvoir rédiger quelques missives au besoin et lire celles qu'on m'enverrait.

Elle posa alors les bouts de parchemins et attrapa le petit cheval.

Quant à lui, c'est mon compagnon de route dit-elle avec un sourire. Un marchand me l'a donné en paiement pour l'avoir aidé sur le marché où je travaillais quand mon père ne pouvait plus. Normalement, je n'acceptais pas ce genre de choses, plutôt quelques pièces ou de la nourriture, mais la journée avait été fructueuse et il faut bien reconnaître que cette petite chose me plaisait beaucoup... Quand j'attendais le retour de taverne de mon père, je m'asseyais devant la cheminée et je m'amusais avec, inventant de nombreuses histoires. Tu sais, de celles où les gentils se couvrent de gloire et où la souffrance n'existe pas ou si peu...

Puis elle poussa un soupir.

Et un soir mon père est rentré particulièrement de mauvaise humeur... Il s'est mit très en colère et le pauvre cheval s'est retrouvé au feu, d'où les marques... Heureusement, les flammes se mouraient et j'ai pu le sortir de là avant qu'il ne soit trop tard.

Elle leva alors les yeux vers Acar en souriant.

Voilà tu sais tout! Pauvre petite vie mais dont j'ai quand même pu apprendre bien des choses au final.

Elle se blottit alors tout contre son amour.

Et surtout elle m'a permis de te connaître, donc je ne changerai rien même pour tous les trésors du royaume.

Et bien, voila chose faite, n'en parlons plus pour l'instant, tu sais écrire, bonne chose, le reste est souvenir, bon ou mauvais, il faut passer outre.

Sache que des mes parents, rien ne me reste, tu es presque plus chanceuse que moi, qu'en à ton cheval, il à fière allure.

Acar sourit tendrement à sa belle, point de vie facile, pensa-t'il, lutter, toujours lutter, voilà ce que réserve la vie.

Demain, nous essaierons de nous promener, les senteurs de la foret de nostre beau pays me manque.

C'est une bonne idée, ça nous sortira de cette multitude de choses à faire.

Puis elle ajouta d'une petite voix timide en rougissant un peu, encore peu à l'aise avec le fait que sa vie ne se conjuguerait plus au singulier.

Et concernant le passé à quoi bon s'en préoccuper puisque de destins séparés il n'est plus question dorénavant... A nous deux, nous écrivons nostre histoire et relevons les présentes difficultés comme nous affronterons celles qui viendront. Être ensemble, c'est tout ce qui compte non?

Oui ma douce, seule compte à présent nostre avenir commun et les difficultés, nous les vaincrons ensemble, à nous deux, tout est faisable.

Il se leva, prit gourdasse d'eau fraîche et se servit, puis apporta l'hanap à sa belle.

Vois, l'eau est troublée quand je bouge, mais elle revient calme dès que je ne bouge plus, nostre amour vivra de même, mais restera, sois-en sur.